Avis de tempête Moïra se rend tous les jours au chevet de sa soeur cadette, qu’une chute, cinq ans auparavant, a plongée dans le coma. Année après année, la lassitude gagne Moïra, qui ne se pardonne pas d’avoir été une soeur lointaine. Comme pour rattraper le temps perdu, elle retrace devant la jeune fille inconsciente son existence de fille sauvage et revêche, sensible pourtant, une vraie «fille de la mer» et des vents glacés des Cornouailles.
« Un deuxième roman inspiré, balayé par les embruns, noyé dans les brumes du souvenir. » Le nouvel observateur
Mon avis :
Depuis mon énorme coup de coeur avec Un bûcher sous la neige, 3ème roman de la même jeune romancière, je n’attendais qu’une chose, attaquer ce 2nd roman (oui, oui, je sais, je fais les choses dans le désordre, et terminerai sans doute par le 1er, lequel avait été primé par les prestigieux Whitbread First Novel Award et le Betty Trask Prize.)
Bref, voici chose faite grâce à Loesha, qui m’a fait parvenir cet ouvrage dans le cadre du swap « So british », ce qui a provoqué en moi d’irrésistibles gloussements de ravissement à l’ouverture du colis (revivez cet intense moment ICI). MERCI MERCI MERCI ! J’étais d’ailleurs bien embêtée en réalisant que ma douce bibliothécaire avait, dans le même temps, commandé cet ouvrage, que je réclamais à corps et à cris…
Enfin, venons-en à mon avis proprement dit.
Voilà un texte empreint de mélancolie, émouvant, plein de tact, malgré une héroïne qui n’a rien d’une héroïne : bancale, décalée, surdouée, maigrichonne, et associale. Elle relate sa vie à sa soeur endormie, à qui elle dévoile son amour bien tardivement, éprouvant tant de culpabilité à l’avoir si longtemps rejettée : se sentant trahie par ses parents au moment de la naissance de cette petite dernière, elle l’a toujours profondément jalousée. Bénéficiant d’une bourse, elle part en internat, lui permettant de fuir les siens. Rejettée par ses camarades, elle se plonge dans les sciences à la bibliothèque, se rassure dans une profonde solitude. Elle vivra ensuite une vie de femme à laquelle elle n’était pas destinée, et en fera la narration à sa soeur commateuse.
Voilà une écriture pointue, mais d’une certaine tristesse (ou sagesse ?), où les dernières pages sont particulièrement belles. Les passages durs sont vite balayés, en quelques lignes d’autant plus puissantes. Le lecteur en prend plein les sens : la vue, l’odorat, le toucher, tout y passe. Les descriptions des paysages venteux du Pays de Galle sont à couper le souffle.
Si j’ai beaucoup apprécié cette lecture, je ne la recommanderai pas à tous ; certaines parties (surtout la seconde), peuvent renvoyer le lecteur, selon son expérience, à des sentiments délicats.
Quoi qu’il en soit, j’avoue sur ce coup-ci avoir des difficultés à rédiger cette chronique (difficile de faire part d’un texte aussi puissant…). Faites-vous donc votre opinion et partagez-la avec moi !
Quelques citations pour vous donner l’ambiance :
Et maintenant ? Ai-je gardé l’espérance ? L’espoir que tu retrouves ta vie d’avant ? Peut-être. Mais l’espoir, c’est comme tout. Il perd de sa fraîcheur, de son velouté, il se racornit.
La mère, qui avait survécu à l’accident, même si elle avait perdu ses jambes – du moins leur usage. Elle aurait pu tenter se de rééduquer, mais elle avait choisi de ne pas le faire, on la poussait maintenant dans la vie en fauteuil roulant, disait Ray.
C’était Pâques. Je m’en souviens. Car de Stackpole avait été apporté dans le train un sachet d’oeufs en chocolat, et sur le panneau d’affichage de l’église en haut de la rue, on pouvait lire Il est ressuscité. « Encore ! » avait dit Amy, en soupirant. Et secouant la tête : « Est-ce qu’Il n’est pas déjà ressuscité ? ».
Les rêves, Amy. Les rêves que j’ai faits, au cours de ces quelques semaines. Til n’avait pas tort. On n’échappe pas aux rêves, on ne peut pas les laisser sur les draps de son lit quand n se réveille. On peut essayer. Mais ils vous suivent à pas feutrés. Ils respirent, et vous le sentez. Et cela fait peur, ma petite chérie. Ils ne contiennent ni baume ni douceur. Les rêves, si inoffensifs qu’ils paraissent, donnent un sentiment de malaise, quand on se les remémore. On se retourne pour les voir. On en sent les abîmes.
Un mensonge comme celui-là. Crois-tu que je ne me rende pas compte des dimensions d’un tel acte, et de ceux qui allaient suivre ? On peut savoir ce qui est mal et le faire quand même. Voilà une vérité bonne à apprendre.
Et puis je voulais te dire une chose, avant de repartir ce soir : je crois que le monde est tel que nous choisissons de le voir. Ce n’est pas plus compliqué que ça. Au bout du compte, notre bonheur dépend de nous, et de personne d’autre. […] Mais je crois que si nous voulons nous rendre malheureux, nous y parvenons. Si nous voulons être seuls, nous le sommes, tôt ou tard.
Je me dis ceci, pour me réconforter : que tu as existé. Et que grâce à cela, il y aura toujours des traces de toi qui souffleront sur terre.